Journée d'Étude
Entre Occident et Orient
Dialogue des esprits, dialogue des cultures
Boulogne-sur-Mer, 22 novembre 2019

François BERQUIN

« Puits de Pékin »

 

Une métaphore, très fréquente chez Segalen, fait de la prunelle de l’œil un puits sombre et profond.

On tente de regarder l’autre dans les yeux, on se penche sur le puits attirant, fascinant qui constitue le centre de l’œil mais, le plus souvent, ce ne sont que les reflets de soi-même (de ses propres fantasmes) que l’on réussit ainsi à saisir. Car si la pupille est un « puits », ce puits est lui-même un miroir (le mot de pupilla, en latin, désigne d’ailleurs la petite poupée, le mannequin minuscule à quoi ressemble votre image quand elle se dessine dans la pupille de celui qui vous fait face).

On partira de cette ambivalence pour réfléchir sur la relation de Segalen à la Chine. Le désir de se confronter à l’altérité de la réalité chinoise se double toujours, chez cet auteur, d’une conscience très vive de tous les pièges, parfois fort dangereux, que les miroirs tendent au narcissisme du voyageur. Un narcissisme qui parfois cependant se renverse (dans Équipée, Segalen parle d’« exotisme inverse »), quand c’est l’autre qui semble à son tour vouloir plonger dans le « puits noir » de vos propres yeux.

On se propose d’interroger quelques-uns de ces étranges face-à-face en relisant notamment le roman inachevé de Victor Segalen, René Leys.